Hausse des prix de l’énergie et commande publique : le Premier Ministre annonce des mesures pour éviter de mettre en péril la « pérennité des entreprises »

Le Premier Ministre a publié le 30 mars 2022 une circulaire revenant sur la hausse des prix de l’énergie et des matières premières (pétrole, gaz, bois, acier béton, etc.) qui affecte considérablement les entreprises ayant des contrats en cours d’exécution. Bien qu’il ne s’agisse pas d’un cas de force majeure comme l’a pu être l’épidémie de Covid, la hausse actuelle des prix relève officiellement d’une «  circonstance exceptionnelle ». Un certain nombre d’assouplissements à l’égard des titulaires des contrats en cours d’exécution est donc prévu par la circulaire : possibilité de modifier les contrats, de percevoir des indemnités, gel des pénalités…voici les quelques mesures cruciales qu’il convient de connaître – car les collectivités, en tant que pouvoir adjudicateur des contrats de commande publique, sont évidemment concernées par ces mesures.

I – Possibilité de modifier les contrats en cours

 La circulaire nous explique tout d’abord que la hausse des prix des matières premières a dans beaucoup de cas obligé le titulaire d’un contrat à en modifier les conditions d’exécution. Le titulaire peut par exemple avoir été contraint de substituer un matériau à un autre (car le matériau initial est devenu trop cher), à modifier les quantités ou le périmètre des prestations à fournir, ou encore à aménager les délais de réalisation des prestations.

 Lorsqu’elles « sont rendues nécessaires par des circonstances qu’un acheteur diligent ne pouvait pas prévoir » (ce qui est le cas ici avec la hausse des prix), le Code de la commande publique nous rappelle que ces modifications peuvent être intégrées aux contrats de marchés ou de concessions.

 Ces modifications peuvent en outre atteindre « 50 % du contrat initial » pour les contrats de commande publique, et sont même sans plafond pour les contrats concernant « l’eau, l’énergie, les transports et les services postaux » (art. R.2194-3 du Code de la commande publique).

II – La théorie de l’imprévision

En vertu du principe d’imprévision, la circulaire rappelle que le titulaire d’un contrat a droit à une indemnité s’il poursuit l’exécution du contrat (article L.6 du Code de la commande publique). Explications.

 Lorsque surgit une circonstance exceptionnelle qui pourrait affecter l’exécution d’un contrat en cours, l’entreprise titulaire du contrat peut effectivement invoquer le principe d’imprévision à condition que les trois critères suivants soient vérifiés :
  Un événement imprévisible doit être survenu
  Cet événement doit être indépendant de l’action du cocontractant
  Cet événement doit entraîner un bouleversement économique du contrat

 En l’occurrence ici, la hausse des prix des matières premières constitue un événement imprévisible et indépendant de l’action du cocontractant. La question se pose cependant de savoir si cet événement constitue aussi un bouleversement économique du contrat et non pas un simple manque à gagner économique.

 Il faut savoir que la loi ne fixe pas de seuil officiel à partir duquel on peut qualifier une situation de « bouleversement économique. » Néanmoins, les jurisprudences à ce sujet nous informent qu’un bouleversement économique est généralement reconnu lorsque les charges extracontractuelles que doit supporter le titulaire ont atteint environ un 15e du montant initial HT du marché.

Pour espérer bénéficier d’une indemnité en vertu de l’imprévision, le titulaire du contrat doit donc impérativement prouver qu’il doit supporter d’importantes charges extracontractuelles, en montrant « que l’achat des matériaux concernés était bien postérieur à la période durant laquelle le prix de ces derniers a augmenté de façon imprévisible. »

Pourquoi accordons-nous autant d’importance sur le concept d’imprévision et sur les indemnités auxquelles peut prétendre un titulaire ? Tout simplement parce que si l’imprévision est reconnue par le juge, alors la circulaire précise que c’est le pouvoir adjudicateur (c’est-à-dire la collectivité) qui devra payer au titulaire une indemnité, indemnité dont le montant est généralement égal à 90% des charges extracontractuelles générées.

• Clause de révision des prix

Pour les marchés d’une durée d’exécution de plus de 3 mois, la circulaire rappelle que les collectivités doivent intégrer une clause de révision des prix dans les futurs contrats de la commande publique, car les parties sont ici « exposées à des aléas majeurs du fait de l’évolution raisonnablement prévisible des conditions économiques pendant la durée d’exécution des prestations. »

Afin de ne pas pénaliser les entreprises, la circulaire précise en outre que les formules de révision de prix ne contiendront pas de terme fixe et les contrats ne contiendront ni clause butoir, ni clause de sauvegarde.

• Gel des pénalités

Le Premier ministre demande enfin, comme cela a été fait pendant la crise sanitaire, que les pénalités de retard ou « l’exécution des prestations aux frais et risques du titulaire » soient suspendues, « tant que le titulaire est dans l’impossibilité de s’approvisionner dans des conditions normales. »

Lire la circulaire du Premier Ministre sur la commande publique et la hausse des prix des matières premières

— Dernière mise à jour le 7 avril 2022

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