La loi n°2024-346 du 15 avril 2024 visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels, parue au Journal officiel du 16 avril 2024, complète le code civil d’un nouveau chapitre sur les troubles anormaux du voisinage. Elle vise à limiter les conflits de voisinage, notamment à la campagne et les plaintes de plus en plus nombreuses des néo-ruraux contre les agriculteurs, en consacrant dans le Code civil le principe de responsabilité fondée sur les troubles anormaux du voisinage, posé par la jurisprudence, tout en l’assortissant de limites.
Cette nouvelle loi fait notamment suite à la loi du 29 janvier 2021 relative au patrimoine sensoriel des campagnes françaises et au rapport du gouvernement sur la problématique des troubles anormaux de voisinage remis fin 2021. Elle a donc pour but de créer les conditions d’un « vivre ensemble » équilibré et de limiter les conflits entre néo-ruraux et paysans, acteurs économiques, culturels ou touristiques d’un territoire. Mais cette loi a également vocation à permettre de régler les différends de voisinage dans les grandes villes, notamment entre les dark Stores et leurs riverains, qui supportent souvent de graves nuisances.
Son article unique est venu créer un nouvel article 1253 dans le Code civil reprenant le principe de responsabilité fondée sur les troubles anormaux du voisinage, consacré, jadis, par la jurisprudence dans un arrêt du 19 novembre 1986 de la Cour de cassation où elle a posé un principe général du droit selon lequel « nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage », faisant de cette responsabilité une responsabilité autonome.
La loi du 15 avril dernier pose cependant une exception à ce principe prévu par le nouvel article 1253 du Code civil. Ainsi, un article a été ajouté au Code rural et de la pêche maritime pour prévoir des exonérations supplémentaires spécifiques pour les activités agricoles. En effet, la loi instaure le nouvel article L.311-1-1 de ce Code, qui concerne en particulier ce domaine d’activités.
Ce dernier dispose que « la responsabilité prévue au premier alinéa de l’article 1253 du code civil n’est pas engagée lorsque le trouble anormal provient d’activités agricoles existant antérieurement à l’acte transférant la propriété ou octroyant la jouissance du bien ou, à défaut d’acte, à la date d’entrée en possession du bien par la personne lésée. Ces activités doivent être conformes aux lois et aux règlements et s’être poursuivies dans les mêmes conditions, dans des conditions nouvelles qui ne sont pas à l’origine d’une aggravation du trouble anormal ou dans des conditions qui résultent de la mise en conformité de l’exercice de ces activités aux lois et aux règlements ou sans modification substantielle de leur nature ou de leur intensité ». Il appartiendra au juge de déterminer ce qui relève ou non d’une modification substantielle.
Ainsi, la responsabilité d’un agriculteur qui modifierait les conditions d’exercice de son activité pour les mettre en conformité avec la réglementation ne pourra pas être recherchée pour trouble anormal de voisinage. De la même manière, sa responsabilité ne pourra pas être engagée dès lors qu’il n’a pas « substantiellement » modifié la nature ou l’intensité de son activité agricole. Ce cas vise les évolutions naturelles de la vie d’une exploitation (accroissement, diversification...).
Il s’agit donc ici d’une reprise de la « théorie de la préoccupation » qui figurait à l’article 113-8 du Code de la construction et de l’habitation mais qui est étendue par cette loi à toutes types d’activités, alors que cet article L.113-8 du CCH ne visait que certains types d’activités (agricoles, industrielles, artisanales, commerciales, touristiques...). Par conséquent, cette nouvelle loi abroge ledit article.
Lire la loi n°2024-346 du 15 avril 2024 parue au Journal officiel du 16 avril 2024
— Dernière mise à jour le 13 mai 2024