Publication d’une ordonnance modifiant en profondeur les procédures de lutte contre l’habitat indigne

La « nouvelle police de sécurité et de la salubrité des immeubles bâtis » trouve désormais son incarnation dans l’ordonnance n°2020-1144 du 16 septembre 2020, parue au JO du 17 septembre 2020.
Annoncée par l’article 198 de la loi ELAN, cette ordonnance vise à corriger les nombreuses imperfections du régime encadrant actuellement la lutte contre l’habitat indigne, et plus particulièrement les procédures à mettre en œuvre à l’égard des Edifices Menaçant Ruine (EMR).
Multiplication cafouilleuse des acteurs, solutions s’appliquant difficilement à la réalité du terrain, séquelles financières laissées à des communes souvent déjà désargentées…voici entre autres les impérities que se propose de repenser le texte de loi tout juste paru.
En voici donc les dispositions clés, dont l’entrée en vigueur est à ce jour prévue pour le 1er janvier 2021.
Une répartition mieux définie des compétences entre préfet et maire
Tout d’abord, on peut noter qu’une répartition mieux définie des rôles du préfet et des maires est à prévoir. Jusqu’ici, la lutte contre l’habitat indigne se subdivise en une dizaine de procédures, elles-mêmes régies par une multitude de codes (Code de la construction et de l’habitation, Code de la santé publique, Code général des collectivités territoriales etc.), semant doute et confusion dans l’esprit des élus locaux.
L’ordonnance prévoit désormais que, face à une situation d’habitat indigne, l’acteur pertinent qui devra intervenir dépendra du « fait générateur ». Comprendre :
Le préfet interviendra pour les dangers liés à la santé des personnes.
Le maire (ou le président d’EPCI) interviendra pour les dangers liés à la sécurité des personnes.
Cette répartition des rôles ne résout pas complètement les nombreuses ambiguïtés qu’un cas pratique peut soulever (l’habitat indigne pouvant en effet concerner et la santé, et la sécurité des personnes), mais a le mérite de poser un fondement juridique bienvenu sur les compétences de chaque acteur.
Une facilitation de la marge de manœuvre du maire en cas d’urgence
Face à un édifice menaçant ruine, le maire dispose d’outils simplifiés pour enclencher et parachever la procédure de déclaration de péril imminent ou ordinaire.
Parmi les quelques allègements procéduraux importants, l’ordonnance indique que la commune ne sera plus tenue de passer par une phase de mise en demeure du propriétaire après expiration du délai fixé par l’arrêté de péril. Elle pourra alors immédiatement engager les travaux d’office.
Il sera également possible de procéder à la saisine d’un juge du tribunal administratif hors urgence, donc en cas d’arrêté de péril ordinaire. Cette sollicitation du juge permettra ainsi au maire de demander que soit nommé un expert sous 24 heures pour examiner l’état du bâtiment, avant que soit prononcé l’arrêté de péril ordinaire.
Enfin, en cas d’urgence immédiate liée à un péril imminent, le maire pourra dorénavant intervenir dans la journée pour rétablir la sécurité publique, et ce sans saisir au préalable le tribunal administratif pour qu’il désigne un expert devant constater l’urgence. En réalité, cette marge d’intervention existe déjà, mais elle prévoit que les travaux mis en œuvre par le maire pour mettre fin au danger immédiat ne sont par recouvrés par la commune. Ce sera désormais le cas : le maire pourra donc intervenir dans la journée et prétendre à un remboursement par le propriétaire de l’édifice des frais découlant des travaux effectués.
Une simplification des transferts de pouvoirs de police spéciale du maire au président d’EPCI
L’organisation du transfert de compétences du maire au président d’EPCI est également reconsidérée.
L’article 15 de l’ordonnance autorise le maire à décider que soient transférés au président d’EPCI ses pouvoirs de police spéciale de lutte contre l’habitat indigne à tout moment. Jusqu’alors, ce transfert peut seulement s’effectuer au moment de l’élection du président d’EPCI : soit le maire consent à ce transfert de pouvoir, soit il s’y oppose et, dans ce cas, il conserve obligatoirement cette compétence durant tout son mandat.
Autre élément important, nous vous rappelons qu’en tant que maires, vous disposez d’un délai de six mois à compter de l’élection du nouveau président d’EPCI (soit jusqu’à janvier 2021) pour accepter ou refuser le transfert de vos pouvoirs de police spéciale au nouveau président. Jusqu’alors, au sein d’un EPCI, il suffit qu’un seul maire s’oppose à ce transfert pour que le président d’EPCI doive faire un choix entre deux options :
Soit il accepte d’exercer les pouvoirs de police que les autres maires lui ont transférés (tandis que le seul maire qui a refusé ce transfert conserve ses pouvoirs).
Soit il refuser tout bonnement d’exercer ces pouvoirs sur l’ensemble du territoire intercommunal (allant ainsi à l’encontre de la volonté des autres maires, et ce simplement parce qu’un seul maire a refusé ce transfert).
Désormais, ce refus pourra avoir lieu si, et seulement si, au moins la moitié des maires s’est opposée à ce transfert ou si les maires s’y étant opposés représentent au moins 50 % de la population de l’EPCI.
— Dernière mise à jour le 9 octobre 2020