A qui profite la dotation d’investissement du Plan de relance ?
Publié le 30/03/2021 • Par Alexandre Léchenet Romain Gaspar • dans : A la une, A la Une finances, Actu experts finances, France/DSIL/DR

Le ministère de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales vient de publier la liste des 3.357 premiers projets soutenus par la part exceptionnelle de dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) dans le cadre du plan de relance.
L’occasion pour la Gazette de s’intéresser aux collectivités bénéficiaires et aux types de projets soutenus...
"Figures clé de l’investissement public, les communes et intercommunalités ont obtenu, dans le cadre du plan de relance de 100 milliards du gouvernement, une augmentation de près d’un milliard d’euros de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL). Annoncé le 29 mai 2020 par l’ex-Premier ministre, Edouard Philippe, cette enveloppe supplémentaire pour 2020 qui s’est ajoutée à la DSIL initiale d’environ 0,6 milliard d’euros a été fléchée vers des projets favorisant la transition écologique, la résilience sanitaire et la préservation du patrimoine public historique et culturel (1).
Dans une circulaire du 2 février 2021 précisant les modalités de répartition de cette dotation exceptionnelle, la ministre de la Cohésion des territoires et le secrétaire d’Etat chargé de la Ruralité, Jacqueline Gourault et Joël Giraud, demandaient aux préfets de « mettre tout en œuvre pour (…) que les crédits soient mobilisés le plus rapidement possible » et « que les projets subventionnés débutent autant que possible dans les semaines ou à défaut dans les mois suivant la notification de la subvention ». La Gazette a voulu vérifier en dressant le portrait robot des collectivités bénéficiaires de cette DSIL exceptionnelle.

Au 31 décembre 2020 d’après le ministère de la Cohésion des territoires, sur l’enveloppe globale de 950 millions d’euros, plus de 574 millions d’euros de subventions avaient été accordées au bénéfice de 3 357 projets d’investissement. Ces subventions sont allées principalement à des communes, et pour un tiers à des intercommunalités.
Un bilan en demi-teinte pour les associations d’élus
Ces projets sont fléchés par les préfets, ce que déplorent plusieurs associations d’élus. « C’est un retour sur l’autonomie locale puisque les investissements sont fléchés et finalement décidés par le préfet, comme au bon vieux temps de la tutelle a priori, avant les années 1980. Une augmentation de la dotation globale de fonctionnement aurait été beaucoup plus efficace », tacle Philippe Laurent, maire de Sceaux et secrétaire général de l’AMF.
Pour les élus locaux, au-delà du montant, le problème est la trop grande liberté laissée aux préfets dans la répartition de la DSIL. « A l’image des années précédentes, la grande liberté d’affectation des fonds accordée aux Préfets fait courir le risque d’une répartition inégale et contreproductive », estime Franck Claeys, directeur « économie et finances locales » de France Urbaine.
Il regrette l’absence de clés de répartition chiffrées pour déterminer les thématiques prioritaires et les territoires retenus. Les territoires représentés par ses adhérents, dans les métropoles, n’ont touché que 16% de ces premiers versements.
Les fonds de la DSIL vont principalement à des projets dans les villes de moins de 3500 habitants, ainsi qu’à des communautés de communes ou communautés urbaines. En revanche, si les communautés de communes touchent le plus grand nombre de subventions, en moyenne, les projets portés par les intercommunalités plus grandes (CA, CU, métropoles) sont mieux dotés proportionnellement.

En regardant le détail, parmi les 2500 subventions attribuées aux communes, au moins 1300 ont été attribuées à des communes de moins de 3500 habitants. Les projets subventionnés se font dans des communes « de la couronne » des aires d’attraction des villes, c’est-à-dire dans la périphérie de villes plus importantes. Mais au moins 30% du montant des subventions attribuées aux communes vont à des communes centres de ces aires d’attraction.
L’Association des petites villes de France (APVF), composée de communes de 2 500 à 25 000 habitants, avait également tiré la sonnette d’alarme, en février dernier. Elle dénonçait, dans un communiqué, un « régime des dotations nationales de soutien à l’investissement public local (DETR et surtout DSIL) qui ne permet pas aux collectivités locales – et particulièrement aux plus petites d’entre elles – de capter pleinement et rapidement les crédits ouverts en lois de finances ». Pour l’association, « certaines préfectures privilégiaient parfois les projets des grandes villes au détriment des petites ». Une critique que les préfets semblent avoir entendue.
L’attribution de la DSIL, un privilège du prince-préfet ?
Un reproche des petites villes partagé par les territoires ruraux. En mai 2020, Dominique Dhumeaux, maire de la Fercé-sur-Sarthe et vice président de l’AMRF s’en était ému dans nos colonnes. « Je ne peux pas me réjouir que le montant de la DSIL augmente car si les méthodes de distribution ne sont pas revues, alors cette hausse n’apportera rien pour nos territoires ruraux, car les préfets ont tendance à subventionner des projets structurants ».
Des différences dans la répartition qui se retrouvent dans la carte, lorsqu’on ramène ces revenus à la population. Certaines régions s’en tirent mieux que les autres …

Au vu de la répartition inégale entre les bénéficiaires de la première moitié de l’enveloppe exceptionnelle de DSIL, les critiques des associations d’élus ne devraient pas s’estomper dans les prochains mois.
— Dernière mise à jour le 31 mars 2021